Morgane et ses nymphes - Bruno Gantillon (1971)

Il est des films mineurs qui resteront à jamais gravés dans les mémoires. Non par leurs qualités artistiques à même d'éveiller l'esthète (déviant) qui sommeille en chacun de nous (tout du moins du préposé docteur), mais par le souvenir d'avoir su jouer les entremetteurs, et instigateurs d'une belle rencontre, tel ce joliment intitulé Morgane et ses nymphes et sa révélation, l'acteur Alfred Baillou. Car l'interprète du seul personnage masculin [1] du long métrage (traduit en anglais par un suggestif Girl Slaves of Morgana Le Fay) justifie à lui seul le visionnage de ce film, au-delà de son érotisme onirique à l'atmosphère délicieusement surannée. Mais n'allons pas trop vite, n'est-ce pas ?

Librement inspirée des légendes arthuriennes et de la fée Morgane, le long métrage narre les mésaventures d'Anna (Michèle Perello) et de Françoise (Mireille Saunin), deux jeunes femmes en vacances dans la campagne auvergnate. Celles-ci s'arrêtent un temps dans une auberge, mais le propriétaire leur suggère de partir rapidement et de faire demi-tour sans autre explication, sous les yeux d'un bien étrange petit personnage, Gurth (Alfred Baillou). La nuit tombée, désormais perdues, elles trouvent refuge dans une grange abandonnée. Cédant aux douces caresses et aux baisers d'Anna, Françoise s'endort dans ses bras. Au réveil, Françoise constate la disparition de son amie. Gurth, le mystérieux nain bossu rencontré la veille propose de le suivre, vers un château bordé d'un lac. Accueillie par trois jeunes femmes en mousseline transparente, Françoise fait la connaissance de la maîtresse des lieux, Morgane (Dominique Delpierre).

 

Réalisé dans le sillage des premières productions de Jean Rollin (Le viol du vampireLa vampire nue), ce premier film de Bruno Gantillon [2] évoque la langueur et le surréalisme teinté d'érotisme saphique des deux films évoqués précédemment. Doté d'un rythme lent et d'un manque de moyen manifeste, le film ne dépareille en rien du genre érotico-fantastique qui fut en vogue au début des années soixante-dix dans notre chère contrée Pompidolienne. Suffisamment pour assoupir les moins aguerris ? Sans doute. Dommage, car Morgane et ses nymphes et son atmosphère d'erotic fantasy, soutenue par la musique de François de Roubaix, s'accorde plutôt bien avec ce minimalisme formel aux frontières du rêve et du réel.

L'interprétation, comme souvent dans ce genre de production, est aléatoire, certains diront qu'elle est inversement proportionnelle au degré d'effeuillage des participantes. Qu'importe finalement. Quatre décennies passées, les quelques scènes softcore lesbiennes, si elles gardent un charme rétro, pourront de toute façon difficilement faire office d'appel d'offres déviant. Et l'interprète de Gurth, le dévoué et amoureux intendant de la fée Morgane ? Alfred Baillou, qu'on retrouvera trois années plus tard dans le Sadien Plaisir à trois [3] de Jesus Franco, tire profit allègrement de cette ambiance féerique. Longtemps cantonné aux rôles figuratifs de freaks dans le cinéma français, ce dernier fait basculer un peu plus le film vers l'étrange. Sa prestance et son jeu théâtral (daté ?) marque durablement ce film d'un autre temps.

 

Conte de fée pour adultes, Morgane et ses nymphes, ravira les plus curieux et amateurs de fantaisie seventies.

Le DVD est disponible en import chez Mondo Macabro.



Morgane et ses nymphes
(Girl Slaves of Morgana Le Fay) | 1971 | 86 min
Réalisation : Bruno Gantillon
Dialogues : Jacques Chaumelle
Avec : Dominique Delpierre, Alfred Baillou, Mireille Saunin, Régine Motte, Michèle Perello
Musique : François de Roubaix (Cisco Elrubio)
Directeur de la photographie : Jean Monsigny
Montage : Michel Patient
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[1] Plus quelques autochtones mâles au gré d'une escale dans une sympathique et accueillante auberge auvergnate.

[2] Gantillon débuta comme assistant dans Cannabis de Pierre Koralnik avec le couple vedette Gainsbourg / Birkin, avant de suivre à partir la fin de la décennie 70 une longue carrière pour la télévision, son dernier téléfilm, Le secret des andrônes, étant diffusé le 4 septembre dernier !

[3] Un couple libertin jette leur dévolu sur leur jeune et supposée ingénue voisine afin de satisfaire leur soif de plaisir interdit. Et Alfred Baillou ? Il joue au jardinier...

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